Edito

Il est devenu une évidence terrible que la guerre se propage. Économique, médiatique, de conquête ou intérieure : la guerre sévit, partout. Nous l’effleurons du doigt des centaines de fois par jour sur nos écrans tactiles, nous la finançons malgré nous, elle nous procure le confort de nos vies en apparence respectables. Le mode d’existence véritable du capitalisme est celui de la crise perpétuelle. Elle alimente aujourd’hui un repli nationaliste généralisé, une montée en puissance des extrêmes droites et des impérialismes, tout en poursuivant sa course mondiale pour les matières premières.

Nous parlons depuis le cœur d’une puissance nucléaire et coloniale qui a soigneusement éloigné la brutalité de la guerre au-delà des frontières du continent, tout en nous habituant à une illusion de paix et de stabilité. Cependant, chaque jour qui rapproche l’extrême droite du pouvoir nous rappelle que le contexte politique dans lequel nous évoluons n’est pas éternel, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières nationales. Alors que les empires grondent, l’ultralibéralisation et l’ultratechnologisation de l’économie et de la répression font partout planer le risque d’un autoritarisme totalitaire.

Les menaces sont croisées, les chemins tortueux, les reconfigurations du pouvoir engendrent de nouvelles formes d’oppression, de conflits et de guerres. Face à celles-ci se dressent peuples, révoltes, groupuscules et singularités. Bien souvent, la distance qui nous en sépare depuis la Forteresse Europe rend ces nouvelles scènes politiques confuses et leur commentaire caricatural, voire abject. La recomposition géopolitique mondiale nous force à bouleverser des cadres d’analyse devenus douillets. Cette tâche ne peut être accomplie sans compter sur l’expérience directe de celles et ceux qui, au quotidien, résistent aux passions guerrières, fascistes et coloniales des pouvoirs étatiques et des classes dominantes.

Les analyses situées nous permettent d’abandonner l’énonciation de macrovérités idéologiques, et de laisser place à une compréhension plus fine et sensible de ce qui se joue pour les personnes qui sont confrontées à des questions d’ampleur. Comment s’engager dans la résistance ? Avec qui former des alliances ? Pourquoi rester, pourquoi partir, à quoi prendre part ? Quelles stratégies poursuivre en tant que minorité politique ? Quel projet politique viable peut résister face à des superpuissances ? Quelles concessions faire, et quand ?

La forteresse cachée se veut un espace de traduction et de diffusion. Son objectif premier vise à épauler nos camarades dans leurs luttes et à s’opposer à leur récupération par des organes de presse asservis, sélectifs ou partisans, trop souvent complices de puissances autoritaires ou réactionnaires, d’États ou de forces armées.

Notre second désir consiste à ne pas nous limiter à une action de soutien, car ce qui se joue là-bas agit aussi sur ce qui existe ici. Écouter les récits de celles et ceux qui ont eu à vivre là où la violence a surgi, parfois sans prévenir, nous permet peut-être de mieux anticiper des embûches, d’apprendre des victoires et des défaites, de nourrir les luttes que nous menons ici.

Sans fantasmer leur pouvoir hypothétique, nous espérons que les paroles recueillies dans ces pages enrichissent une culture révolutionnaire internationale, elle même condition de possibilité d’une lutte internationaliste révolutionnaire. Les diffuser constitue pour nous une déclaration de guerre à ce qui a créé la nécessité de leur existence.

octobre 2025